POISSON J.-F., L'homme contre l'Homme ?, Paris, Presses de la Renaissance, 2007, 237 p.
Ce livre est à la fois pédagogique et provocateur. Il rend compte avec un talent certain de débats complexes dans ces nouvelles questions bioéthiques. Il prend position avec courage, lucidité. Le ton paisible de la réflexion ouvre le champ de la réflexion pour tout lecteur de bonne volonté : la provocation est interpellation de la raison, et, nous l'espérons, du cœur également. Le débat est à la fois moral et philosophique. Moral : le progrès de la science et de la médecine doit beaucoup à certaines « transgressions ». En bioéthique, n'existe-t-il pas certaines transgressions illégitimes ? Philosophique : quel peut être le critère d'action permanent pour poser un jugement sur une grande variété d'expérimentations et de recherches sur l'homme et particulièrement l'embryon humain ? L'a. détermine que la notion de « personne » est cruciale pour analyser les pratiques médicales contemporaines. Choisir la vie (III), c'est mettre la « personne » au centre : l'intelligence et le cœur y sont comme « ordonnés ». La science y découvre son horizon véritable. La vie humaine est toujours spécifique, différente de celle des arbres et des animaux (VIII). La personne est toujours un « sujet de droit » incontournable.
Les différentes pratiques sont analysées avec profondeur et réalisme à l'aune de ce critère. Les contradictions et les dérives sont déployées avec finesse : elles éclairent les enjeux de nos sociétés. Ce n'est pas le moindre mérite de ce livre que de montrer au lecteur la responsabilité de l'homme vis à vis de tout homme. L'humanité est plus proche de nous que nous le pensons souvent et elle joue sa « vie » dans le refus du clonage (II), le respect de l'embryon (III), le renoncement à l'instrumentalisation de la naissance (DPI et PMA : IV), dans les demandes faites à la médecine (V), dans l'illusion d'une toute puissance réparatrice (VI), dans le choix de sa mort ou de celle d'autrui (VII), dans le respect de la science et son lien avec la dignité humaine (IX). Les annexes fournies sont utiles (le code Nuremberg, le serment d'Assaph, la prière de Maïmonide).
Voilà un livre qui, sans verser dans une logique militante, énonce clairement la position intelligente de l'a. et fournit au lecteur des repères pour poser lui aussi, un jugement éclairé. S'il faut exercer un « esprit critique » vis à vis de la bioéthique (I), c'est, comme pour toute activité humaine, parce qu'elle engage l'homme au-delà de lui-même vis-à-vis d'autrui et de Dieu. L'a., docteur en philosophie, est aussi un homme d'action puisque engagé politiquement. Ces qualités lui permettent de nous offrir des arguments réflexifs intéressants dans un langage adéquat et adapté. Il nous invite à assumer ces questions en les rapprochant de ce qui est commun à tout lecteur : son humanité et le respect qu'elle suscite en toutes circonstances.
Alain Mattheeuws dans NRT 130/3 (2008) 669-670.