PÈRE LOUIS, Avant le mariage. Sexualité, affectivité, prière, Préface de Mgr. Aillet, coll. Société Perpignan, Artège, 2013, 13 x 20, 196 p., dans NRT 136/2 (2014) 302-303.
A vrai dire, ce livre n'est pas une préparation au sacrement de mariage au sens strict, mais il y participe en affrontant quelques questions délicates qui accompagnent la vie des jeunes qui désirent se donner l'un à l'autre dans le Seigneur. Ecrit par un moine bénédictin qui vit certainement le lien profond entre le temps et l'éternité, le texte invite en raison, et suivant la tradition de l'Eglise, à l'attente et à la vertu de la patience dans l'expression corporelle et sexuelle des désirs, des sentiments et des engagements amoureux. « Attendre le mariage pour se donner l'un à l'autre dans l'union des corps est un chemin de liberté et d'épanouissement » (p.11). Il ne s'agit pas « d'une coutume chrétienne désuète, d'une loi arbitraire, ou d'une règle morale inventée par l'Eglise » (p.11).
Pourquoi attendre (première partie) si ce n'est pour construire un mariage solide (1) ? Le premier déploiement se fait en mettant en évidence les « 4 liens » à construire, la place du corps, l'enjeu de la liberté, la crainte des blessures, la beauté de la chasteté personnelle. La construction d'un couple n'est-elle pas à l'image de celle d'une maison ? Il faut y mettre du temps et il convient de commencer par les fondations. Il faut attendre également en raison de la nature même de la relation sexuelle (2) et de la foi chrétienne (3). Dénonçant les illusions présentées dans une culture hédoniste, l'auteur montre la place du corps et l'unicité de l'acte conjugal par rapport aux autres actes humains. Le lien avec la procréation est explicité, la place symbolique du regard, des gestes, des pensées est réactualisée (la parabole de la dégustation du vin). L'argumentation est fluide, cohérente, parfois un peu lisse. Les auteurs cités sont variés, même si le fond de cette théologie morale peut s'enraciner dans la théologie du corps de Jean-Paul II. La raison humaine est un repère que la foi confirme car la sexualité est un lieu où l'homme peut rendre gloire à Dieu (3). Tout baptisé est consacré à Dieu en son corps et en son âme. Les mots de la Bible nous disent le plan de Dieu. La Tradition théologique le rappelle. Le mariage est un vrai sacrement : présence de Dieu dans l'acte des époux et grâce de salut pour tout amour.
Une deuxième partie offre douze objections et réponses. Ces objections appartiennent à la réalité pastorale concrète : « ce qui compte, c'est la sincérité », « il est bon d'essayer pour voir si nous sommes compatibles », « c'est beau, mais c'est pour les autres », « le bébé, ce sera pour plus tard », « j'ai peur qu'il aille voir ailleurs » etc. A chaque objection, l'auteur permet au lecteur de s'approprier une cohérence doctrinale : une parole peut être allumée dans le cœur pour ceux « qui ont des oreilles ». Cet enseignement sera utile. Comme les normes morales, il ne peut cependant pas être considéré comme des recettes. Car le beau travail effectué par l'auteur, doit être opéré par chacun pour trouver les mots et les images aptes à rendre compte des joies et des peines, des acquiescements et des refus de la liberté chrétienne face au projet de Dieu. Finalement, face à la réalité pastorale belle et blessée, il est bon de ne pas « se décourager » (p.183) et de garder en mémoire que la doctrine sur la vérité de l'amour comprend la considération du péché, mais aussi la puissance de la miséricorde. L'image de Dieu est toujours en jeu dans la relation entre l'homme et la femme. Ainsi faut-il, quelles que soient les situations rencontrées et vécues, réapprendre en Eglise à nous regarder avec le regard même de Dieu.
Alain Mattheeuws s.J. dans NRT 136/2 (2014) 302-303.