PÈRE JEROME, Saint Benoît de nouveau suivi, coll. Œuvres spirituelles 4, Paris, Ad Solem, 2013, 12 x 18, 102 p., dans NRT 136/2 (2014) 336.
« Père Jérôme, en invitant à une relecture, avec un œil vif, de la Règle, en maintenant la paternité de saint Benoît, en réaffirmant sa foi en sa vitalité, réussit dans cet écrit une greffe nouvelle. Nous avons cru Père Jérôme. La sève a de nouveau circulé». Ainsi s'exprime dans la préface le P. M.-Nicolas. Ce livre nous met clairement, parfois rudement, en face de deux réalités : l'art d'être disciple (I), la pratique de la Règle de saint Benoît (II).
Etre disciple (I), c'est reconnaître un seul maître : le Christ. Mais dans la vie monastique, en lien avec sa belle tradition, c'est aussi chercher et trouver un maître de vie. « Il faut oser approcher le maître, et se déclarer ouvertement disciple. Il faut explicitement demander des leçons, si l'on veut acquérir une vie spirituelle bien charpentée » (p.16). Le Père Jérôme décrit, à partir de son expérience, la nécessité de « se faire disciple » pour « durer » dans l'intention principale de sa vie et de sa vocation. Il le montre pour la vie intellectuelle, la vie d'oraison, la fidélité à la vie monastique. Langage ferme, parfois unilatéral, qui traduit la traversée de nombreux combats et situations délicates. On cherche des maîtres, même s'ils ne sont pas parfaits. Mais il s'agit aussi d'accepter humblement d'être un vrai disciple. Cette partie montre l'enjeu de cet art d'être disciple : recevoir dans la traversée de l'histoire (et des générations) le même don de Dieu, dont personne n'est le propriétaire.
Dans la IIe partie, l'auteur explicite les raisons de son adhésion à la Règle de saint Benoît (p.38). Le c.1 sur le retour à l'intention principale est remarquable : il montre l'essentiel en soulignant une gerbe de formules éclatantes (p.44-45). Par ailleurs, cette mise en perspective souligne de manière pédagogique l'axe d'une vie monastique. Elle fortifie la volonté, éclaire l'intelligence sur l'objectif à atteindre. La mémoire de toutes les générations peut en être nourrie. Le commentaire se poursuit par « l'enceinte fortifiée » (c.2) ou vie en retrait, « les situations historiques » (c.3), un « au-delà de la sainte Règle » (c.4). Ce dernier chapitre suppose une lecture attentive car il montre comment une continuité évolutive et un dépassement sont possibles pour l'interprétation de la Règle et sa vie dans des cultures et des temps nouveaux. Le mot « aggiornamento » n'est pas utilisé et une réflexion théologique mériterait d'être poursuivie. Par ailleurs, un bon critère est donné pour ces dépassements qui sont des progrès s'ils « introduisent dans l'épaisseur de leur objet », dans la ligne de l'idéal cistercien. Ainsi faut-il penser au culte du Saint-Sacrement, la dévotion mariale, la suppléance, la vocation de frère convers, la qualification comme vie contemplative. La question est bien posée : si l'histoire a vu l'intégration féconde de 5 dépassements, comment ne pas penser paisiblement que l'Esprit puisse en susciter encore de nouveaux dans les siècles à venir ?
Alain Mattheeuws s.J. dans NRT 136/2 (2014) 336.