Homélie du 4é dimanche de l’avent : 2 Sm 7-16 ; Ps 88 ; Ro 16,25-27 ; Lc 1,26-38.
Une religion est une manière pour les hommes de mieux comprendre leur origine et leur fin ; c’est une manière aussi de contacter celui qui nous dépasse et dont nous pressentons qu’il est tout-puissant, qu’il n’est pas de notre race, qu’il règle les événements sur la terre et dans l’univers. L’homme a toujours cherché à entrer en contact avec cet énigmatique « maître d’œuvre », créateur de tout ce qui existe. Le judaïsme et le christianisme sont aussi des religions car ils expriment notre manière de dialoguer et de contacter le Seigneur. Mais ils sont d’abord une révélation. Avant que nous le cherchions, Dieu lui-même fait le premier pas et cherche l’homme en lui donnant l’existence et en le sauvant. Dieu vient vers l’homme. Ce chemin vers l’humanité, Dieu l’accomplit de manière parfaite en naissant de la Vierge Marie, jeune femme du peuple d’Israël.
Ce chemin de proximité entre Dieu et l’humanité est long : il passe par la reconnaissance que nous sommes créés par Dieu et qu’aucun d’entre nous n’a pu décider de sa venue au monde. Nous sommes tous créés à l’image et à la ressemblance divine. Dans cette histoire de l’humanité, Dieu s’est choisi un peuple en le libérant de l’esclavage et en le protégeant par le don des commandements au Sinaï. L’histoire d’Israël nous donne la preuve de ce désir permanent de Dieu de faire alliance avec son peuple malgré ses refus, ses rejets, ses péchés d’idolâtrie. Toutes les périodes sont marquées par cette main divine tendue vers son peuple. Dans la première lecture, nous rencontrons le roi David qui a assis son pouvoir sur ses ennemis. Ce peuple nomade est devenu plus sédentaire et le roi pense enfin à faire une demeure sacrée pour le Seigneur. Il y pense enfin, pourrait-on dire. Il y pense selon ses vues humaines et de roi puissant. Et le prophète Nathan intervient pour remettre en quelque sorte les choses à l’endroit…
Nathan rappelle au roi David et à tout son peuple que le seul vrai roi, le seul libérateur, c’est Dieu. Il est bon de l’honorer et de lui rendre grâce dans une Demeure. Mais le premier acte religieux est de reconnaître qu’il est à l’origine de toute l’histoire d’Israël. Nathan ramène, positivement, David à plus d’humilité : « le Seigneur te fait savoir qu’il te fera lui-même une maison ». Le prophète révèle à nouveau à David le roi sa vraie place : il est appelé à être serviteur de la grandeur de Dieu. Il est libre et a tous les pouvoirs à condition de garder en mémoire que Dieu fait tout. Dieu est le maître de l’histoire d’Israël. Nathan révèle en plus à David que c’est Dieu qui construira la demeure : cette demeure, c’est sa lignée : « Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours ». Nous percevons le renversement de sens que le prophète signifie au roi David et qui va s’accomplir à la manière divine. La royauté se manifestera dans toute sa grandeur selon un autre plan que le plan humain, politique et social de David et de ses successeurs. Les voies de Dieu ne sont pas les voies de l’homme.
Cette lecture nous permet d’appréhender la beauté de l’annonciation évangélique. En effet, à cette époque et sous l’occupation romaine, les juifs eux-mêmes se demandaient quand viendrait le Messie. L’attente était profonde et ample : chacun avait certainement une image de ce Messie et de ce qu’il devrait faire : il y avait des courants messianiques différentes. Ecouter et contempler la venue de l’ange Gabriel nous donne la clé du mystère, la clé de la lignée de David et de la promesse qu’il avait reçue.
L’ange entre chez Marie : dans sa modeste demeure. Sa salutation n’est pas pure politesse, mais révélation prophétique. Dieu, par son ange, dit à Marie qui elle est : comblée de grâce. Le messager lui dira aussi que « le Seigneur est avec elle ». Marie a trouvé grâce devant Dieu. Aujourd’hui, le Seigneur des Seigneurs fait un pas décisif vers l’humanité de Marie et sa liberté pleine de grâce. Il lui révèle à la fois son identité de créature sauvée et puis sa future mission maternelle. La beauté de sa féminité se traduira à la fois dans la virginité et dans la maternité. La question de Marie est la nôtre aussi : « comment cela se fera-t-il ? Mais la question du « comment » est souvent technique ou événementielle : elle cache souvent l’essentiel. Nous nous attachons aussi de plus en plus au « comment faire » au lieu de nous interroger sur le « pourquoi » des choses. Pourquoi un ange est-il venu ? Pourquoi parle-t-il au nom de Dieu ? Pourquoi honore-t-il la liberté d’une jeune fille d’Israël ? sinon parce que le Dieu trois fois saint est un Dieu d’amour.
Nous avons vu combien Dieu a réalisé une alliance avec son peuple, et pourquoi il n’a pas cessé de renouveler cette alliance. Dieu est fidèle à son amour de proximité. Et cette fidélité atteint son accomplissement par le « oui » de Marie dans la conception et l’enfantement du Verbe en son sein. L’ange est clair même si le mystère annoncé nous dépasse tous : Marie sera la mère de Dieu. Et cet enfant, si proche d’elle et de toute humanité, est à la fois Dieu et vraiment Homme. C’est lui le roi de gloire dans la descendance de David et de nombreux titres accompagnent l’annonce de l’ange. Il sera appelé Fils du Très-Haut. Son règne n’aura pas de fin. Et l’ange nous dit son « petit nom » : Jésus. Ce qui signifie « Dieu sauve ».
Le salut est le fil rouge de l’amour de Dieu pour toute l’humanité. Tout l’ancien Testament en est tissé. Avec Jésus conçu en Marie, il s’accomplit pour toujours et pour tous. C’est une grâce. Et le paradoxe d’une Vierge qui devient Mère s’explique par la puissance divine : « l’Esprit saint te prendra sous son ombre : c’est pourquoi celui qui va naître est saint ». Car « rien n’est impossible à Dieu ».
A quelques heures de Noël, la question nous est posée : « de quoi voulons-nous être sauvés par cet Enfant-Dieu ? » ou bien « comment acquiescer au plan de Dieu comme l’a fait Marie : comment dire le « oui » qui nous change et qui change la vie du monde et de l’Eglise ?