PREFACE
La prière du « Notre Père » a un statut particulier dans la vie de l'Eglise, dans la prière personnelle des chrétiens et dans la liturgie eucharistique. L'Ecriture et la Tradition nous ont transmis cet enseignement du Fils de Dieu. Lui qui n'était que « prière », désir profond de ne faire que la volonté de son Père, a partagé l'intime de son être avec ses disciples. Il leur a donné « ses » mots. Il leur a permis d'entrer dans la même relation filiale et de goûter sur la terre cette Présence du « Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob » (Ex 3,15).
« Seigneur, apprends-nous à prier » (Lc 11,1) ! Cet appel, l'abbé Sébastien Muyengo Mulombe l'a entendu de nombreuses fois dans sa vie de prêtre. Son action pastorale, sa collaboration à la formation des futurs prêtres, ses publications antérieures témoignent de son souci de répondre à une soif, de discerner les vraies attentes du peuple de Dieu et d'y répondre par une méditation cohérente du Mystère de la Révélation. Sa méditation du « Notre Prière », en dix étapes, fait jaillir une « eau vive » des paroles mêmes du Christ. Pour ceux et celles qui liront ce livre, la surprise viendra de cette alliance, dans le langage même de l'auteur, entre les différents sens de l'Ecriture : le respect de la lettre des Evangiles, l'ouverture au témoignage des derniers papes, l'invitation morale qu'impliquent certaines « demandes du Pater », l'espérance à laquelle la prière nous invite toujours.
L'équilibre de cet enseignement s'enracine également dans la lecture simple et unifiante de la vie de Jésus à la lumière de l'Ancien Testament. Connaître toute l'Ecriture, c'est grandir dans la connaissance de celui qui en est l'herméneute par excellence : ce Jésus qui cheminait avec les pèlerins d'Emmaüs et qui leur expliquait l'Ecriture : « Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait (Lc 24, 27) ». Le Christ nous fait connaître Dieu. Ce Dieu Tout-Puissant, dont le nom est si important pour ceux qui apprennent à Le connaître (Ex 3,13), est bien « mon » Père, « votre » Père et « notre » Père, nous dit Jésus. Telle est notre joie : celle de découvrir, sur l'insistance aussi de l'auteur, que nous sommes « fils adoptifs » d'un même Père. Dieu n'est plus un inconnu, mais il connaît chacun de nous par son prénom.
Une « nouvelle Famille » est ainsi constituée : elle porte le nom d'Eglise-Famille. En relisant la prière de Jésus à la lumière du Synode Africain (1995), nous comprenons mieux les enjeux de transformation personnelle, sociale et ecclésiale de toute prière chrétienne. La prière est « pour la vie ». Elle est « dans notre vie » comme un souffle indispensable. Les conséquences éthiques et pastorales n'échappent pas à l'œil expérimenté de notre auteur : « A vrai dire, au Congo comme dans beaucoup d'autres pays d'Afrique, nous vivons ces derniers temps une pauvreté sans nom qui, plus qu'à l'ingéniosité et à la générosité, invite l'Eglise au prophétisme » (p. 33). L'enjeu de chaque demande du « Notre Père » est toujours concret, mais il pousse celui qui prie à une attitude de confiance de plus en plus totale en la personne du Père. N'est-ce pas le vœu sacerdotal de notre auteur ? Faire grandir l'union confiante de ses lecteurs à la personne même du Christ qui s'abandonne en toutes situations dans les bras de leur Père des cieux. Pour les prêtres, souvent interpellés dans ce livre, comme pour tous les baptisés, cette longue méditation ne vise pas d'abord un « savoir » supplémentaire, mais une « vie » meilleure : offerte à Dieu et aux autres. Que l'abbé Sébastien soit remercié pour cette invitation qui est en même temps interpellation à la lumière des « signes des temps » de son pays. « Dans la logique de la foi, toutes les impasses peuvent devenir des passages » (p.51). Le mystère pascal est inscrit au cœur du « Notre Père » et de celui qui le prie.
Père Alain Mattheeuws s.j.
Professeur de Théologie morale et sacramentaire
Institut d'Etudes Théologiques
Bruxelles