LEFEBVRE Ph. et de MONTALEMBERT V. de, Un homme, une femme et Dieu, Paris, Cerf, 2007, dans NRT 134/3 (2012) 496-497.
S'il est bien une thématique explorée, approfondie, discutée ces dernières années suivant des angles différents et par des sciences variées, c'est bien la différence homme-femme. L'apport de la Révélation chrétienne est décisif, même s'il est souvent nié ou contredit. Cet ouvrage, écrit à quatre mains – féminine et masculine –, explore les questions posées par l'identité sexuée en affirmant que le langage biblique a aussi son « mot à dire ». Quelques récits bibliques sont ainsi présentés : récits de création, sacrifice d'Isaac, le Cantique des cantiques, la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, la lettre de Paul aux Ephésiens. Un dominicain et une mère de famille, tous deux déjà écrivains, sont ainsi associés dans une même recherche originale sur la stature sexuée de l'homme et de la femme. Cette théologie de l'identité sexuée ne peut être « entendue » sans un face à face avec le Père, le Fils et l'Esprit, c.à.d. le mystère Trinitaire « asexué ». « La proposition est radicale. Sans Dieu et sans le ciel il n'y a personne, pas d'homme et pas de femme. L'identité sexuée ne peut pas se penser sans Dieu, pour cette seule raison qu'il n'y a pas, sans l'Esprit, d'avenir pour la chair, pas de croissance à espérer » (p.13). Option originale et qui donne à penser pour une culture « genderisée » ! La démonstration suit « le cours d'un itinéraire d'homme et de femme évoluant en compagnie de Dieu » (p.8).
L'identité sexuée est donc appréhendée surtout en lien avec le mystère de la Création et de l'Incarnation : une « aventure de la chair avec Dieu ». Le statut de l'histoire est mis en valeur : « L'individu humain compagnon de l'Esprit n'atteint que progressivement sa pleine stature d'homme et de femme. Sa silhouette se dessine au fil d'une histoire que personne, pas même lui ou elle, ne peut anticiper » (p.430). L'énigme de l'origine « ontologique » reste implicite : nous ne sommes pas dans une dogmatique thomiste ! L'originalité de la recherche semble être la suivante : ne pas définir d'abord l'homme et la femme l'un par rapport à l'autre, ni dans les fonctions sociales ou familiales, mais dans l'aptitude libre et consciente de collaborer avec l'œuvre de Dieu, en son Fils Jésus. Ainsi la lecture du sens de leur sexualité, de leurs émotions, désirs et qualités, est-elle faite à partir de cette clé herméneutique.
Cette « distance » que permet le langage de la Bible ouvre un espace pour la liberté des lecteurs engagés dans la confrontation culturelle et réflexive des identités sexuées de notre monde contemporain. Pour garder l'horizon ouvert, il est bon de garder à l'esprit qu'en régime chrétien il y a plusieurs langages de la Bible et que la Tradition pèse, pour le meilleur et pour le pire, sur tout langage théologique. La polysémie des mots de la Bible est une richesse non seulement pour d'autres types de réflexions, mais à l'intérieur également de la réflexion ecclésiale. Certaines interprétations de nos auteurs étonneront, d'autres susciteront une vraie réflexion. Il suffit de faire la différence entre ce qui est magnifiquement dit et ce qui reste implicite. Mais la présentation, dans un style clair et poétique, permet de saisir en profondeur les enjeux du dialogue homme-femme dans le plan du salut, et du lien entre l'Esprit et la chair dans l'histoire humaine. « Le missionnaire de la chair, c'est l'Esprit » (p.13) : de l'Incarnation aux Noces.
A. Mattheeuws s.J.