Homélie du 3e dimanche de carême (Ex 3,1-15 ; Ps 102-103 ; Co 10,1-12, Lc 13,1-9)
L'Église est dans le monde et ressent avec tous les hommes les obstacles et les difficultés de la vie, le poids du péché et ses conséquences. Libérer, délivrer, guérir sont des actes de salut que souvent nous sommes appelés à faire à la suite du Christ. C'est une bonne nouvelle de savoir que Dieu, qui est la source de « l'être » comme il se nomme face Moïse, désire sauver tout homme de l'esclavage. Il connaît le poids de la misère des hommes et particulièrement de son peuple. Il appelle Moïse pour lui donner une mission qui le dépasse. Le buisson ardent est un lieu de révélation, de dialogue et Moïse qui vient par curiosité voir le phénomène, n'en sort pas indemne. Il est touché par la parole de Dieu. Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu de ses ancêtres est le Dieu non pas des rêveries, mais des actions : son nom est « je suis celui qui suit ». Sa puissance est dans son nom, dans son appel, dans son désir de sauver son peuple de l'esclavage et d'en faire un peuple saint qui puisse « faire mémoire de Lui d'âge en âge ».
Le carême est un temps de conversion : on prend une nouvelle direction, une nouvelle tache dans la suite du Christ. On regarde à nouveau vers l'unique Sauveur qui nous entraine dans sa Pâque. C'est le temps où Dieu pardonne toutes nos offenses et nous guérit de toute maladie. Nous sommes dans la grâce du baptême mais nous avons à la raviver comme les hébreux étaient sous la protection de la nuée et qu'ils ont passé l'obstacle de la mer rouge. Ainsi est-ce le moment de manger la même nourriture spirituelle et de cesser de murmurer, de récriminer. Il y a une joie dans le carême : joie de marcher plus fermement à la suite du Christ, de lui faire confiance, et de porter avec lui les péchés du monde, les nôtres et particulièrement ceux de toute l'humanité : la violence sous toutes ses formes ne peut disparaître que parce qu'elle est combattue par des hommes de paix. La force du Christ se dit dans la joie : « la joie du Seigneur est notre rempart ». Saint Paul nous rappelle ce qu'est le rocher de nos vies : le rocher spirituel d'où jaillit l'eau vive, d'où jaillit l'Esprit, c'est la personne même de Jésus que nous suivons librement dans nos actions.
Le temps du carême est un kairos : un moment favorable. Mesurons bien toute sa signification. Tous les baptisés peuvent reconnaître leurs fautes et comprendre ensemble et personnellement que « le Royaume de Dieu est tout proche ». En Jésus, cette parole devient vivante et proche. Elle a une actualité. L'évangile peut susciter en nous une prise de conscience du temps de Dieu. A la fois, il faut se convertir vite et totalement car « un accident peut arriver » et la tour de Siloé peut tomber. La mort peut advenir et il nous faut être prêt et proche du Christ. La mort naturelle n'est pas une punition de Dieu, mais elle peut sanctionner une lenteur dans le processus de conversion. Donc ne trainons pas à nous laisser convertir. La conversion est un acte libre, un retournement d'amitié envers Dieu et ses paroles de salut. Regardons-nous et voyons quel type d'arbre nous sommes : un olivier, un figuier, un sarment de la vigne ? Voyons avec l'Esprit saint quels fruits sommes-nous rendus déjà à donner ?
Cette parabole nous renseigne sur l'attitude de Dieu qui attend de nous des fruits de notre baptême. L'amour est fécond, dans le mariage, dans le respect des autres, dans le service des plus pauvres et de ceux et celles qui souffrent. Cet amour de Dieu porte-t-il des fruits en nous ? Est-il en train de grandir, de mûrir, de changer nos vies ? Le maître du figuier veut récolter les fruits du figuier et ne les trouve pas. Cette évocation nous rappelle combien Dieu attend quelque chose de chacun d'entre nous : décision, acquiescement à son projet, fruits d'amour repérables. Mais grâce au vigneron, le maître du figuier est invité à la patience. Une nouvelle année est offerte au figuier et le vigneron qui est le Christ prend soin de nous et nous offre de nouvelles forces pour vivre selon la volonté de Dieu. Entre l'impatience et la patience, entre le temps du jugement et le temps de la croissance, il y a le temps de nos vies : le temps du carême. Si nous avons du temps, c'est pour porter du fruit. Le temps de nos vies est une miséricorde qui nous est offerte pour nous rapprocher de Dieu, suivre et imiter le Christ. Profitons donc de ce temps favorable et rappelons-nous que le carême s'est ouvert lors du mercredi des cendres en nous invitant à la prière, au jeune, et au partage. Les fruits du figuier que nous sommes peuvent surgir : le printemps et la grâce de Dieu sont avec nous. Profitons-en.