Hennaux Jean-Marie, Le droit de l'homme à la vie. De la conception à la naissance (Collection IET, 13), Bruxelles, Editions de l'Institut d'Etudes Théologiques, 1993, 22 x 14, 200 p.
Malgré son genre littéraire austère, ce livre est un hymne à la vie et au Dieu vivant. La vie n'est-elle pas un des droits fondamentaux de l'homme, « condition et fondement de tous les autres » (p.7) ? L'auteur rencontre ainsi « le problème de l'avortement et du statut de l'embryon de la manière la plus complète possible » (p.14). L'horizon initial est celui de la « Déclaration universelle des droits de l'homme » promulguée en 1948. Dans les débats passionnés - personnels et institutionnels - que suscite la condition fragile de l'embryon, l'auteur cherche à rendre compte des “droits” subjectifs et objectifs qui lui sont dus de par ce qu'il EST.
Sa réflexion éthique (Chap. I) est pour tout « homme de bonne volonté ». Les données de la Révélation chrétienne viennent confirmer « comme par surcroît » un développement qui est essentiellement philosophique. Relevons deux traits originaux de celui-ci : face à l'embryon, nous sommes appelés à la reconnaissance fondamentale de l'altérité ET à la perception de la dignité du pauvre et du suppliant. L'embryon est un “visage” et ne peut jamais être réduit à un moyen, un objet, un humain de deuxième catégorie. S'il nous appelle à la reconnaissance, c'est à la reconnaissance de ce qu'il est : individu, sujet, personne, fin en soi. La fragilité de son apparaître ne peut masquer totalement la beauté de son être.
Le chapitre II traite de la raison théologique et de la raison politique. Il souligne leur distinction et nous mène sous forme de transition à une partie plus analytique du livre. Les lecteurs trouveront ensuite un commentaire patient et non dénué d'acuité, des principales interventions des Evêques belges (III et V), de la loi belge sur l'avortement (IV), de la charte d'éthique médicale de l'Université de Louvain (VI), d'un texte de référence du groupe français “Paroles” sur les conflits de conscience (VII). L'analyse précise de certaines de ces « prises de position » laisse entrevoir les ambiguïtés et les impasses radicales de toute réflexion humaine qui n'accepte pas le « droit inaliénable et absolu » de chaque être humain à la vie. Fidèle au charisme de son ordre, l'auteur exerce véritablement un travail de discernement sur la cohérence des discours examinés. En explicitant l'amont et l'aval de ceux-ci, il met nettement en évidence leur caractère contraire au dynamisme de la pensée humaine ET leur “oubli” ou leur “opposition” à la doctrine morale de l'Eglise. La réflexion est celle d'un théologien rigoureux, sensible au poids des mots et à leurs conséquences dans la vie sociale, juridique et politique, toujours respectueux cependant de la conscience personnelle et attentif à manifester la puissance de la miséricorde.
Un mot pour qualifier cet essai : intégration. Assumant le politique et le juridique, faisant mémoire de la tradition ancienne et récente de l'Eglise, confrontant sa pensée aux évolutions institutionnelles récentes et à l'actualité journalistique, l'auteur nous dévoile ainsi sa forte doctrine personnelle du « respect de la vie ». Cette option se vérifie dans le dernier chapitre (VIII) consacré à une méditation du psaume 139. Tous les instants de l'être humain sont dans les mains et sous le regard du Créateur : de la conception à la mort. L'enfant conçu est « le lieu de la présence créatrice et du travail divin » (p.174). C'est là sa dignité et la nôtre... puisque nous sommes des hommes !
A. MATTHEEUWS, dans Vie Consacrée n°4 (1993) 270-271.