Messe et prière pour Julien Steels (Citations bibliques, Ps 23, Jn 6,1-15)
Il est difficile de parler et de trouver les mots justes face au drame d'un accident et de la mort d'un être aimé. La mort, la vie, l'amour appartiennent bien à notre réalité humaine : elles sont présentes soit dans l'avant plan soit dans l'arrière-plan de nos consciences ou l'écran de nos vies. Ce sont des repères de significations auxquels nous devons être attentifs quand nous les vivons ou lorsque nous y sommes confrontés. Ce sont aussi des lieux de rencontre avec le Seigneur du ciel et de la terre à travers nos questions et nos souffrances. Julien que j'ai baptisé il y a 17 ans, nous a quittés en pleine vie et dans l'élan de sa jeunesse. C'est le printemps et il s'en va ! Participer à cet événement, comme amis, parents, camarades, est certainement un choc. Julien qui voulait devenir aviateur et qui en rêvait souvent, n'est pas parti lentement vers le ciel : il est parti brusquement ! Il n'a pas abandonné sa famille mais a laissé brûler comme Moïse le buisson ardent de sa famille pour rejoindre la grande famille de Dieu : ces milliards d'hommes et de femmes qui vivent déjà dans l'éternité.
Il nous a laissé sa bible qui l'accompagnait particulièrement depuis quelques mois. Il essayait de la lire pour trouver la paix et interpréter le sens de son existence. Certains passages le touchaient. Julien avait beaucoup de dons et de générosité : nous écouterons les témoignages qui nous rappellent la beauté de ses actions. Certains ont profité de cette bonté et lui ont fait d'ailleurs du mal. Il cherchait une vraie amitié, une vraie joie, un vrai Dieu, un vrai amour : cette démarche n'était pas facile pour lui et pour nous non plus. Un psaume que nous avons entendu jette une lumière sur sa vie mais aussi sur nos vies : « le Seigneur Dieu est mon berger. Rien ne saurait me manquer ». Et les paroles prennent une actualité quand nous continuons à lire : « « quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ta houlette et ton bâton me rassurent ». Ces paroles, nous les avons priées ensemble Julien et moi. Aujourd'hui elles sont pour nous tous car le cœur de Dieu est le centre du monde et nous pouvons tous y avoir accès. La porte du cœur de Dieu, c'est la porte du bon berger : celui qui nous aime depuis notre conception jusqu'à notre passage dans l'éternité. Pour comprendre ce qui se passe entre Dieu et Julien, il faudrait ouvrir la porte du bon berger et lui faire confiance.
Un message important que Julien nous transmet aujourd'hui, c'est de pouvoir réaliser dans notre monde de souffrances, de mort et de guerre, que l'Eternel nous veut du bien et nous aime : « Je t'écris pour te dire combien je t'aime ». « Tu n'es pas arrivé par hasard ». « J'ai fait de toi une personne formidable ». « Tu es un chef d'œuvre de mes mains ». Toutes ces paroles de la première lecture, c'est Dieu qui les dit par ses prophètes à chacun d'entre nous car entre chacun d'entre nous et Dieu, même si nous ne le connaissons pas bien, il y a une ligne directe car nous sommes créés par amour et à son image. Cette ligne d'amitié entre Dieu et les hommes est plus fiable, plus rapide et plus forte que n'importe quel texto. La ligne d'amitié est inscrite en notre être. Parfois, il faut retrouver le numéro et le code, mais Dieu n'oublie jamais ses enfants. Sa batterie n'est jamais HS.
Cette ligne d'amitié recueille aujourd'hui particulièrement nos messages à Dieu et nos sentiments à Julien. C'est le moment de poser un acte de foi : la mort n'a jamais le dernier mot. Elle n'éteint pas les paroles mutuelles. Sa victoire apparente semble facile, mais nous avons l'assurance que nous pouvons vivre la même expérience que celle de Jésus qui est mort et ressuscité. Il suffit de faire confiance. Nous sommes ici pour nous aider les uns les autres à faire confiance en la vie éternelle, la vie de Dieu qui est déjà présente dans nos cœurs, dans notre existence ordinaire. Tout ce qui est bon et beau vient de Dieu et doit retourner à Dieu. Nous prions ainsi pour que Julien retourne à Dieu pour toujours. Et Jésus nous en donne l'assurance.
Le Christ de l'Evangile est bien le fils de Dieu : celui qui guérit les malades, qui bénit ceux qui s'approchent de Lui, qui parle de si belle manière de l'amour de Dieu. Des gens nombreux venaient à Lui. Et Jésus s'aperçoit que l'intendance ne suit pas : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger » ? Et les apôtres ne savent pas bien quoi faire. Ils apportent à Jésus ce qu'ils ont trouvé : « Il y a un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons, mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ! » Jésus les prend cependant et demande qu'on les distribue. Il multiplie la nourriture. C'est bien sûr une première approche de l'eucharistie où Jésus se donne lui-même comme trésor de vie. Cet épisode montre que Jésus aime la vie, la protège, en prends soin et que sa puissance ne demande qu'à prendre soin de nos soucis les plus concrets. Multiplier le pain, c'est nous assurer la nourriture et nous permettre de vivre : l'eucharistie est un signe que notre Dieu est vivant et qu'il nous veut vivant avec lui. Depuis plus de 2000 ans, les chrétiens croient que le pain de vie, l'hostie, est un pain de vie éternelle. Que le passage à travers la mort se fait en recevant le corps du Christ vivant et en l'aimant. Faisons cela aujourd'hui avec foi.
D'autant plus que, si vous avez bien écouté, Jésus compte sur nous comme il a pu compter sur les cinq pains et les deux poissons du jeune homme. Jésus fait des miracles. Il nous donne des preuves de son amour éternel mais il suscite et il besoin de gestes et de paroles de vie de notre part. Ce jeune homme, c'est Julien. C'est chacun de nous. Qu'avons-nous à offrir au Christ durant cette eucharistie ? Notre douleur, nos larmes certainement mais aussi ces lumières qui habitent nos cœurs. Nous connaissons Julien. Nous savons peut-être ce qu'il a donné de bon à Jésus. Sa vie fut courte, mais nous croyons qu'avec le Christ nous pouvons en voir tout le bien et surtout le rejoindre un jour au ciel, dans l'éternité. Car la multiplication des pains, c'est la multiplication de tous nos gestes bons, amicaux, généreux. La prière avec et pour Julien durant cette célébration doit nous rendre meilleurs et fortifier notre foi. A l'exemple de Julien et de ceux qui sont déjà dans l'éternité, il convient avec la force de Dieu d'offrir nos pains et nos poissons à Jésus. Posons cet acte de confiance et de lumière dans notre prière aujourd'hui et demain.