DUCRUET B., Le combat spirituel, Nouan-le-Fuzelier, éd. des Béatitudes, 1993, 63 p., dans NRT 134/1 (2012) 152.
Ce livret garde toute son actualité. Il souligne à partir de la tradition de saint Benoit l'existence et l'importance du combat spirituel. Il réaffirme qu'il appartient à la liberté chrétienne de s'associer au Christ dans son œuvre de salut par la volonté de combattre avec Lui et par Lui. Selon saint Grégoire, saint Benoît avait un charisme particulier : le discernement des esprits. A la suite de saint Cassien, Benoit présente le combat spirituel comme spécifique du monachisme. Quel est la nature du combat (I) sinon de renoncer à un « moi » idolâtré pour rechercher le vrai Dieu ? La description des « trois brèches » est éclairante : la convoitise symbolisée par le porc, la vanité représentée par le paon, l'orgueil par l'aigle qui veut dominer. « Tout le combat spirituel, selon saint Augustin, consiste non à tuer le désir qui est le moteur de notre vie, mais à le réorienter ». Il faut risquer ce combat pour ne pas pervertir les dons reçus. Le décentrement du désir est une Pâque. La partie (II) souligne fort à propos les conditions aggravant ce combat : l'environnement de l'homme (famille, culture, modes de pensée) et les traumatismes affectifs ferment « la porte à l'attitude oblative ». Ces conditionnements n'oblitèrent pas totalement la liberté ni ne ferment définitivement le cœur profond. Même l'adversaire ne peut pénétrer dans ce noyau virginal qu'est notre liberté fondamentale. L'action de cet adversaire ne peut être ignorée : n'est-il pas l'accusateur par excellence ? N'est-il pas celui qui porte le soupçon sur la bonté de Dieu et de son action ? Une partie du combat consiste à l'identifier et à qualifier ses actions dans notre monde. Le lieu du combat pour le moine est davantage son propre cœur et l'ascèse monastique conduit à habiter ce cœur profond, lieu d'une Présence.
La partie (IV) décrit brièvement les grands principes du combat spirituel : chercher la charité, s'enraciner dans l'Esprit de Dieu, communier à l'acte du Christ qui sauve le monde, s'ouvrir toujours à une croissance dans l'amour puisque ce combat est aussi celui de l'Eglise. En final, les moyens ou les armes de lumière sont décrites : la prière, l'Eglise et ses sacrements, les œuvres de charité, la contemplation en amitié avec Marie, la voie monastique qui peut aboutir à l'apatheia ou pacification des passions vécues en Dieu. Un des fruits de ce combat spirituel est une confiance fortifiée en Dieu : l'esprit filial fleurit. Le vrai « moi » surgit, grandit et s'offre au Père. Cette transfiguration est symbolisée dans la prière du publicain : « Jésus Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi pécheur » (Lc 18,18). Le style limpide de cet ouvrage donnera beaucoup de lumière aux débutants dans la vie spirituelle et également aux plus âgés.
A.Mattheeuws s.J.