DERVILLE T., La bataille de l’euthanasie. Enquête sur les 7 affaires qui ont bouleversé la France, Paris, Salvator, 2012.
DERVILLE T., La bataille de l'euthanasie. Enquête sur les 7 affaires qui ont bouleversé la France, Paris, Salvator, 2012.
Ce livre est fort instructif : il est le fruit d'enquêtes minutieuses sur des affaires délicates. Il relate et prend position à propos de 7 événements liés à l'euthanasie en France et qui ont défrayé la chronique. Au plus près des faits et des différents protagonistes, il rend compte des intensions, des actions, des discours de ces personnes et de leur entourage. Il analyse également les commentaires principaux liés à ces affaires d'euthanasie. Le langage est clair et précis, respectueux de la douleur des personnes, désireux de faire la vérité pour respecter un ordre du bien et les responsabilités du politique, du législatif, du médical, des personnes elles-mêmes. Car ce qui éclairera le lecteur est la découverte que derrière ces drames personnels déchirants existent d'autres acteurs dont l'unique motivation est l'obtention de la légalisation de l'euthanasie. Utilisant les souffrances et les aveuglements de Christine Malèvre, de Vincent Humbert, des soignantes de Saint-Astier, de Maïa Simon, de Chantal Sébire, de Lydie Debaine, de Hervé Pierra, et particulièrement de leurs proches, d'autres personnes cherchent à obtenir un droit à l'euthanasie et à changer la loi « Léonetti ». Leur mode d'action apparaît finalement, dans le concret, peu « empathique » pour les personnes dont ils s'occupent. L'enquête, sans agressivité, nous indique combien ces lobbies, désireux de défendre leurs idées, ne respectent pas le principe kantien « de ne jamais considérer une personne comme un moyen, mais toujours comme une fin ».
Ce livre est opportun car il nous montre la puissance de l'émotion sur des personnes et une nation. « La société postmoderne est toujours susceptible de tomber dans la désinformation collective » (p. 14, Préface de X. Mirabel). Ce nouvel « émotivisme » des médias laissent le plus souvent sans appuis, sans forces, parfois sans repères, ceux et celles qui cherchent le bien d'une action ou d'une loi. L'analyse de ces affaires est donc utile pour qui est engagé dans les thèmes de société. Que la presse écrite garde plus de recul et de retenue par rapport aux autres médias, ne devrait pas étonner, mais ce fait, mis en évidence dans ces drames, témoigne de sa place incontournable et de son rôle éthique. Que la justice puisse garder son indépendance est un juste rappel de son importance pour le bien commun et de son aide précieuse à l'ordre politique. Les conclusions (p. 183-203) de l'auteur sont lumineuses : elles montrent les forces en présence dans les débats. Pour le lobby qui milite pour l'euthanasie, les axiomes sont assez simples. Les garder en mémoire permettra au lecteur d'analyser les événements et de réagir selon sa conscience. « La vie des personnes déclinantes ou proches de la mort n'a plus grand prix à ses yeux… Il appartient à la société de garantir aux citoyens l'administration de la mort avant que la dépendance ne leur fasse « perdre leur dignité »…un droit opposable au suicide devrait être instauré » (p. 214). Dans cette logique, l'euthanasie « fonctionne comme un engrenage imparable ». Ce droit d'obtenir la mort devient un droit humanitaire.
Le style du livre est stimulant. Son contenu est passionnant. La lucidité qui transparaît est pédagogique et respectueuse. L'ensemble nous pousse à faire confiance non pas à la sagesse des peuples comme un « en-soi », mais à une sagesse qui passe par l'intelligence et le sens critique des différents acteurs des événements, heureux ou malheureux.
A.Mattheeuws s.J.