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Congélation, implantation, adoption d'embryons
Le Père Alain Mattheeuws est jésuite, docteur en théologie morale et sacramentaire de l'Institut Catholique de Toulouse. Il est actuellement professeur à l'Institut d'Etudes Théologiques à Bruxelles. Il donne également des cours au Studium de Paris et dans d'autres Facultés. Il aborde un thème délicat de la recherche bioéthique en théologie morale
Est-il normal et acceptable de congeler des embryons humains ?
C'est pour augmenter l'efficacité des diverses techniques de reproduction médicalement assistée que l'on a commencé à congeler des embryons humains. Cela permet de ne pas « obliger » les femmes à subir des prélèvement répétés d'ovocytes, au cas où la première implantation n'aurait pas réussi ou lorsqu'elles désirent une nouvelle fécondation.
Si l'on ne considère ces cellules embryonnaires que comme un matériau biologique, un embryon potentiel, la congélation ne pose que des problèmes techniques ou juridiques (à qui appartiennent ces embryons confiés à la clinique, abandonnés ou oubliés dans un hôpital ?). Par contre, si l'on considère qu'il faut respecter l'être humain dès sa conception, la congélation d'embryon est inacceptable. Elle est moralement illicite. En effet, de quel droit plonger l'enfant embryonnaire dans une « prison de froid » ? Donum vitae, en 1987, s'exprimait ainsi : « La congélation des embryons, même si elle est réalisée pour garantir une conservation de l'embryon en vie (« cryoconservation ») constitue une offense au respect dû aux êtres humains, car elle les expose à de graves risques de mort ou d'atteinte à leur intégrité ; elle les prive au moins temporairement de l'accueil et de la gestation maternelle, et les place dans une situation susceptible d'offenses et de manipulations ultérieures » (I n°6).
Des couples de plus en plus nombreux, affrontés à la stérilité, ont recours aux Procréations médicalement assistées. Quelle est leur responsabilité dans ce domaine ?
Avant tout, il faut rappeler le caractère illicite (c'est-à-dire immoral) des procréations médicalement assistées. Si les parents posent la question de la valeur de leur acte, gardons-nous de les juger. Mais par contre, il convient d'être vrai et ne pas cacher le caractère illicite de ce qu'ils ont fait, parfois de bonne foi. Eclairer la conscience avec délicatesse et amour, c'est toujours respecter la dignité d'autrui.
Ils ont le droit de connaître les conditions bio-médicales qui ont accompagné leur démarche. Si ces informations ne leur sont pas fournies, ils doivent les demander. En particulier, quelle est leur responsabilité actuelle vis-à-vis des enfants embryonnaires congelés qui sont les leurs ? Qu'ont-ils signé ? Que vont-ils faire de ces enfants embryonnaires congelés ? Les premiers et derniers responsables sur la terre de leurs enfants embryonnaires, ce sont eux.
Il arrive que dans certaines situations familiales, l'Etat défasse juridiquement la responsabilité parentale, mais en a-t-il le droit dans ce cas ? Particulièrement à l'origine de l'enfant ? Serait-il le propriétaire ultime de ces embryons ? Il ne nous semble pas. Les centres de PMA font en général signer certains documents aux parents. Cette signature est un engagement civil : il ne correspond pas toujours à la loi inscrite dans les cœurs. Par exemple, même comme parents, ils ne peuvent pas moralement signer « une décharge totale » des embryons issus de leur corps et de leurs personnes. Les parents ont à la fois un « premier droit », mais pas un droit absolu sur leurs enfants. Ainsi pour les enfants embryonnaires, les parents ne sont pas habilités à les donner comme des « objets » et à s'en décharger. Il est normal et moralement bon que les parents de ces embryons prennent soin d'eux. Un lien les unit. Une décision doit être prise. Elle leur revient. Ils ne peuvent pas se débarrasser de la responsabilité qu'ils ont prise en concevant ces embryons, même avec l'aide de médecins.
Mais que peuvent-ils faire alors ?
L'existence de leurs enfants embryonnaires est un fait incontournable. S'ils prennent conscience du statut et de la dignité de ces enfants, il est bon qu'ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour les respecter et leur donner la possibilité de continuer à vivre. Ce qui me paraît décisif pour les parents est le fait suivant : qu'ils rendent à leurs enfants embryonnaires la dimension du temps et les sortent de leur état congelé. Il leur revient d'éviter qu'on ajoute un mal à un autre mal : créer des embryons surnuméraires et les congeler est un mal, les maintenir dans cet état en est un autre. Prendre la décision de faire d'eux un matériau pour la science est aussi un mal. Les parents doivent veiller à protéger la dignité de ces enfants embryonnaires congelés. Ce lien entre eux et les enfants embryonnaires ne peut pas être dissous. Mais sont-ils tenus de les implanter tous dans le corps de la maman en vue de les mettre au monde ? Je ne crois pas que ce soit pour eux une « obligation morale ». Qu'ils accomplissent « au mieux » leur responsabilité d'engendrement jusqu'au bout. Qu'ils les confient à la bonté divine après les avoir délivrés de leur prison de froid.
Qui est interpellé par cette problématique ?
La question prend une dimension mondiale car la production et la conservation cryogène d'embryons humains n'est pas un phénomène localisé. Le nombre d'embryons humains congelés dans le monde n'est pas connu avec précision, mais il augmente chaque jour et se compte en effet par milliers. Aux Etats-Unis, on dénombre 400 000 embryons congelés dont 11 000 surnuméraires ne feraient plus l'objet d'un projet parental. En France, ils seraient 80 000. En Belgique, 24.000. Les questions juridiques, scientifiques et éthiques ne font que s'amplifier. Pour une conscience humaine ouverte au respect des origines, la question n'est pas facile à régler.
Vous parlez du respect des origines. Selon vous, quels sont les points clefs de cette problématique ?
L'enfant embryonnaire a droit au respect de ce qu'il est et de ce qu'il peut devenir. Dans l'état de congélation, il est en dépendance et en souffrance. Son développement est arrêté. On lui enlève une qualité inhérente à ce qu'il est : son temps, son devenir. Il court un risque réel de « mourir », en demeurant congelé, en étant décongelé également. Il est pour ainsi dire « enlevé » à tout univers relationnel et à tout projet symbolique humain : il pourrait être implanté un jour ; il pourrait être utilisé comme matériau biologique de recherche ; il pourrait être « jeté à la poubelle ». Il est dans l'hypothétique. Son statut par nature « fragile » est fixé dans la fragilité.
Les faits et les chiffres sont là. Que peut-on faire actuellement pour sauver les embryons congelés ?
La seule possibilité ouverte est l'implantation et la gestation dans l'utérus d'une femme. Cette possibilité n'assure d'ailleurs pas automatiquement leur survie. Blessés par la congélation, blessés par la décongélation, beaucoup d'enfants embryonnaires ne peuvent plus s'implanter et grandir normalement. L'implantation reste problématique, risquée : l'enfant embryonnaire congelé peut en mourir. Après l'implantation, la gestation elle-même n'est pas toujours couronnée de succès. Des projets d'utérus artificiels (ectogenèse) existent, mais la recherche est peu avancée dans ce domaine. Une question éthique reste posée sur ces projets eux-mêmes.
Peut-on envisager dès lors l'« adoption » d'enfants embryonnaires comme une solution éthique ?
Ethique, c'est-à-dire bonne et licite ? D'ailleurs peut-on parler vraiment d'adoption au sens strict ? C'est un problème délicat. Je ne crois pas que ce soit une « réponse » réaliste car la production et la congélation d'embryons continuent. Elles prennent des proportions à la fois inhumaines, absurdes et dépassant les initiatives de protection ou de sauvetage par l'adoption par exemple. Il vaudrait mieux affronter cette question à la racine. Certains moralistes considèrent qu'adopter des enfants embryonnaires consiste uniquement à ajouter une pièce au puzzle complexe et aberrant d'un système qui ne respecte pas l'origine de la vie humaine. Question délicate d'une coopération matérielle à une technique qui, en soi, est un moyen non respectueux de l'homme. D'autres pensent qu'une adoption massive et visible de ces enfants embryonnaires témoignerait du respect qu'on leur doit et favoriserait à long terme une prise de conscience du mal qui leur a été fait, et donc du caractère mortifère de ces diverses techniques. Mais d'autres arguments doivent aussi être considérés : l'accord commun des époux, le statut du corps de la femme, le droit de l'embryon à être conçu, porté et mis au monde par sa mère et l'amour de ses parents…
Pourriez-vous préciser votre position ?
Distinguons d'abord deux modalités de l'acte que nous cherchons à qualifier moralement. Pour certains, l'objet de l'acte consiste à sauver la vie d'un embryon congelé en lui offrant la possibilité d'une gestation au sein d'un utérus féminin jusqu'à ce qu'il soit viable. Pour d'autres, l'objet de l'acte consiste en une véritable adoption d'un enfant embryonnaire : un couple désire adopter dans sa famille un embryon ou plusieurs embryons congelés, ou plusieurs enfants aux premiers stades de leur vie. Le mari et la femme (de commun accord) désirent qu'ils soient portés, mis au monde et accueillis comme leurs propres enfants. Dans le premier cas, l'acte peut être posé par une femme seule. Dans le deuxième cas, il s'agit d'un couple que nous supposons marié et stable (une femme seule pourrait cependant désirer une telle adoption).
Quelques moralistes envisagent donc soit le « sauvetage d'embryon », soit « l'adoption d'embryon ». Du point de vue de l'embryon, il s'agit toujours de lui donner une possibilité de poursuivre son développement et donc son existence sur la terre. Du point de vue du moyen, c'est le corps de la femme (son utérus) qui est l'instrument de ce sauvetage. Les conditions personnelles de celle-ci (sa condition de femme, de mère, d'épouse) semblent peu considérées. Dans l'option de « sauvetage », l'illusion éthique est profonde : un signe en est que même en dehors du lien conjugal, le corps de la femme peut servir à ce but.
L'adoption d'embryons n'implique-t-elle pas, au moins de manière tacite, l'approbation du processus par lequel ces embryons sont venus à la vie ?
Non. Au niveau personnel, un couple qui adopte un enfant issu de la fivete, n'est pas nécessairement complice et responsable de l'acte qui a permis cette conception. Si un couple adopte un enfant issu d'un viol, il n'approuve pas pour autant cet acte et n'en est pas complice. Du point de vue de la conscience personnelle, il est vraiment possible de distinguer ces actes.
La société et les chrétiens en particulier s'occupent-ils assez de ces embryons congelés ?
Je le répète : dès le moment où nous reconnaissons leur statut d'enfant embryonnaire, nous devons chercher à les respecter pour ce qu'ils sont. Cette situation est un « appel éthique ». Tout être humain a une dignité intrinsèque dont il nous faut prendre conscience et qu'il convient de respecter dans la mesure de nos forces et de nos moyens. Ce que nous pouvons faire de bon pour ces enfants embryonnaires, par des moyens licites, nous devons le faire. L'adoption-gestation ne me semble pas un moyen respectueux. Est-ce d'ailleurs une « adoption » ? Elle ne rejoint pas la perfection d'un acte moralement bon. L'intention est généreuse, mais l'objet de l'acte contredit le respect qui est du à tout être humain, particulièrement à la femme.
Que vient faire cet argument concernant la femme qui s'est proposée généreusement à adopter ?
Ne soupçonnons pas l'intention généreuse de ces femmes ni le désir des couples de faire le bien en adoptant un embryon congelé. Cependant, il nous faut considérer l'acte en lui-même et pas seulement la bonne intention. Au-delà de cette intention personnelle, il convient de réfléchir à la symbolique propre qui y est engagée. N'y-a-t-il pas une « unité insécable » entre la conception et la gestation ? La réflexion doctrinale de l'Eglise s'est déjà engagée dans cette question. La femme ne peut accueillir au plus intime d'elle-même le fruit d'une conception qui n'est pas le fait de son mari et d'elle-même. La maternité de « substitution » n'est pas moralement licite, nous dit Donum vitae (II A 3). Elle est contraire «à l'unité du mariage et à la dignité de la procréation de la personne humaine».
Mais il ne s'agit pas d'une maternité de substitution, mais bien plutôt de suppléance : l'enfant d'ailleurs est déjà là, déjà disponible à être « adopté » et désireux d'être sauvé de la congélation.
Il est vrai que la femme qui « adopte », accueille l'enfant pour le porter et le mettre au monde. Cet embryon, qui lui est génétiquement étranger parce que « venant d'ailleurs » ne sera pas « porté » par ou pour une autre femme. Il est « accueilli » pour lui-même. Il ne s'agit pas identiquement du même cas que celui d'une mère de « substitution ». Elle n'est pas, au niveau de l'intention, de ces « mères porteuses » qui portent l'enfant pour une autre, pour de l'argent, pour un membre de la famille. Mais le terme de « suppléance » ne doit pas faire illusion et nous tromper sur le caractère « objectif et personnel » de l'acte d'une femme qui accepte ce type de maternité. C'est l'enfant issu d'une autre « relation » qu'elle accepte dans l'intimité de son corps.
La perfection de l'accueil d'un enfant est inscrite au cœur de l'acte conjugal, dans l'écrin de la fidélité conjugale et de la maternité responsable. Donum vitae nous dit que tout enfant a droit « à être conçu et mis au monde dans le mariage et par le mariage » (II,2). Par ailleurs, quand cette Instruction refuse la maternité de « substitution », elle affirme qu'est liée à la dignité de l'enfant le droit « d'être conçu, porté, mis au monde et éduqué par ses propres parents » (II,3 : je souligne). On pressent l'enjeu moral et le développement théologique quand on note qu'ici l'Instruction admet aussi une participation du père à la gestation et à la mise au monde… Cela signifie que les valeurs conjugales et parentales sont en cause ensemble. A l'horizon de cette problématique se trouve encore et toujours cette compréhension neuve et exigeante du « lien indissoluble des deux significations de l'acte conjugal ». Cette exigence morale et spirituelle n'est pas toujours comprise ni vécue dans l'accueil de l'enfant. Mais ce qui n'arrive pas dans l'accueil d'un enfant à cause des événements ou d'un manque de conscience ou d'amour des parents, ne doit pas être provoqué sous l'apparence d'un bien à obtenir.
L'enjeu ne se situe-t-il pas au niveau de la paternité/maternité, mais aussi de la signification du terme « procréation » ?
Selon certains « le respect réciproque du droit de devenir père et mère seulement l'un par l'autre » (Donum vitae II A 1) concerne uniquement l'acte de procréer un nouvel être humain. Cette « loi », disent-ils, mise en évidence par l'Instruction, ne concerne pas l'accueil dans son foyer d'un enfant qui existe déjà. Il est bien clair que l'adoption d'un enfant est un acte positif en soi. La question est de savoir si la méthode « invasive » qui consiste à placer des embryons congelés dans le corps de la femme peut être qualifiée d'acte d'adoption. Une comparaison phénoménologique montre que ce n'est pas le cas. La relation au corps chez la femme (mère) et chez l'homme n'est pas la même. Qu'est-ce qu'être père et mère sinon coopérer non seulement en son corps, mais aussi en son cœur, à l'avènement à l'existence d'un être nouveau, l'accueillir et le porter tel qu'il est pour l'enfanter à la vie et à la vraie vie ? Si l'on restreint la paternité ou la maternité à un acte purement ponctuel, on ne rend pas compte de l'ensemble de la tradition catholique sur le bonum prolis et educationis ou la finis procreationis et educationis. La maternité engage le corps, non seulement dans l'instant de l'acte conjugal, mais dans la grossesse, l'enfantement et l'éducation. La paternité y est associée également de par le lien conjugal. C'est l'unité du couple, le « une seule chair » (Gn 2,24), qui accueille ensemble le don de Dieu qu'est tout enfant. L'engagement des parents l'un vis à vis de l'autre consiste à concevoir, porter, mettre au monde. Cet engagement assume l'enfant dans la « durée ». On ne peut parler d'adoption, c'est-à-dire de suppléance parentale, qu'après l'enfantement.
Vous semblez accorder beaucoup d'importance à la femme, à son corps : sa liberté consciente et désireuse de sauver des enfants congelés ne peut-elle s'engager dans un tel acte positif ?
Comment sauver ces enfants ? A quel prix ? J'entends bien la question. On peut donner sa vie pour autrui et pour Dieu : la mort alors n'est pas un suicide. Elle est un don de soi qui apparaît nécessaire, juste et bon. Des situations héroïques ont toujours existé dans la vie des hommes et dans l'histoire de l'Eglise. Mais ce dont nous discutons, c'est de la portée d'un acte à promouvoir ou non à l'intérieur de la vie d'un couple et plus particulièrement de la vie d'une femme. Nous sommes appelés à prendre soin de notre prochain et à le sauver dans la mesure de nos moyens : mais toujours par un acte de don de soi qui soit bon, digne et juste. Adopter des enfants correspond-il à la volonté bonne de Dieu ? Devons-nous promouvoir cet acte, dire qu'il est moralement « bon » ? Peut-on demander ou proposer à des femmes le « sacrifice » de porter un enfant embryonnaire pour le sauver ?
La femme, davantage si elle est mariée, n'a pas un droit absolu sur son corps. Personne d'entre nous d'ailleurs. Son être est essentiellement personnel, corps, cœur et esprit. Cette unité personnelle ne peut devenir un pur « instrument » de « survie pour l'embryon congelé ». Le corps de la femme, dans son unité personnelle, ne peut être une « solution médicale » à une question délicate. Je ne suis pas favorable à l'ectogenèse, mais je note ce paradoxe : tant qu'un « utérus artificiel » n'existe pas, la rationalité scientifique et la générosité sincère s'accommodent rapidement ou facilement d'une solution qui « instrumentalise », qu'elle le veuille ou pas, la femme. Le berceau anthropologique de tout être humain est l'acte conjugal qui lui permet, dans le phrasé unitif de ses parents, d'advenir à l'existence et d'y faire ses premiers pas. L'acte conjugal est le symbole corporel et prégnant de ce qui soutient tout enfant embryonnaire dans l'être. Le lien de tout enfant embryonnaire avec le corps conjugal de sa mère, de ses parents, appartient à la dignité de son être. On ne peut le « remplacer », s'y substituer. Corporellement, la femme qui accueille en elle un enfant embryonnaire congelé pose un acte qui n'est pas le sien : l'acte d'une autre, d'un couple. Cet acte n'est pas délégable.
Vous semblez condamner l'adoption des embryons : n'est-ce pas incohérent avec le message de l'Eglise concernant le respect de la vie et son caractère sacré ?
Je ne condamne personne. J'essaie d'évaluer en raison la signification morale d'un tel acte et d'en préciser la valeur, sans juger les personnes. Il ne s'agit pas de condamner les personnes, mais pourquoi faut-il promouvoir une pratique qui ne soit pas juste ? Pourquoi faut-il chercher des mères de suppléance sur les sites internet et entrer dans un militantisme peu opportun ? Aux Etats-Unis, ces programmes sont très développés : l'adoption d'enfants embryonnaires y est promue dans des sites chrétiens. Elle n'a rien d'anonyme ni de gratuit. Quel est le sens de cette promotion ?
Notre vie – toute vie humaine – est dans les mains de Dieu. Le caractère sacré de la vie surgit de la relation immédiate que toute créature a, de fait et en acte, avec son Créateur. Prendre conscience de ce « sacré » là reste un impératif moral en toutes circonstances. Mais aucun homme n'est appelé à se mettre à la place de Dieu et à devenir le sauveur des autres. L'aveu d'une impuissance humaine n'est pas toujours une « faiblesse » ou un « péché » ou un « manque de générosité » : il peut être le signe d'une humilité vraie. Celle qui cherche à trouver la vérité de toute vie et à respecter le plan de Dieu dans l'histoire. Nous ne sauverons jamais tous les enfants qui meurent dans le sein de leur mère, ni tous les enfants embryonnaires congelés. Manifester leur destinée éternelle, c'est montrer le vrai « sacré » de toute vie personnelle.
Ne faudrait-il pas les laisser dans le froid comme « témoins » d'options criminelles et absurdes de nos sociétés ?
J'ai entendu certaines personnalités réfléchir et prôner cette attitude. Pour ceux et celles qui sont opposés aux méthodes de procréation assistée, l'accumulation de ces embryons congelés est un signe de l'absurdité de ces techniques et de ces options éthiques. Garder les embryons dans le froid, puisque nous sommes dans l'impasse, c'est au moins « faire mémoire et garder en mémoire » ce qui a été un « non-sens ». Gardons-les comme témoins, nous implorant de ne plus poser les actes qui sont à l'origine de tels bouleversements et de tels maux. Cette position a une certaine noblesse. Elle représente, pour certains humanistes ou religieux, un « appel éthique » adressé à tout homme de bonne volonté et à nos sociétés. Elle ne me semble pas respecter jusqu'au bout les embryons congelés ni leur offrir la paix qui leur est dû.
Si la porte de l'adoption ne semble ni « bonne » ni à promouvoir, que peut-on proposer actuellement comme autre solution ?
Il nous reste à faire le bien possible en assumant la condition absurde dans laquelle se trouvent ces embryons congelés. Je conseille de les retirer du « froid » où ils sont emprisonnés, de les rendre aux conditions temporelles qui sont les leurs, de ne pas utiliser de moyens disproportionnés pour les sauver (l'enseignement du Magistère au sujet du refus de l'acharnement thérapeutique acquiert ici une nouvelle actualité), ou des moyens qui ne respectent ni leur dignité ni la dignité des personnes désireuses de les aider. Faire cela, ce n'est pas les tuer : il ne s'agit pas d'une euthanasie, mais du refus de prendre un moyen disproportionné et inadapté pour tenter de les faire survivre. Ils mourront ! Bien sûr, comme croyants, nous pensons qu'ils passeront à la vraie vie. La mort leur permettra de rejoindre leur Créateur et leur Sauveur. Laissons ces enfants rejoindre le cœur de Celui qui est leur Créateur et leur Père